Manger la dernière part.

Publié le par teparlerdemavie

Manger la dernière part.

Je n’avais pas réalisé que dans mon esprit, manger la dernière part d’un gâteau était relié à un acte d’amour.

Il y a quelques années de ça, à table lorsque nous mangions le dessert, j’espérais toujours, avec l’impatience d’une enfant de 5 ans, de pouvoir être celle qui mangerait la dernière part du gâteau. Et lorsqu’on me la volait, j’en étais si déçue, frustrée et malheureuse que j’en ressentais de la rancœur (à divers degrés selon la personne qui me la confisquait sous le nez) dans des proportions parfois ridicules.

Et puis, avec l’arrivée de mes enfants, j’ai été celle qui offrait volontiers cette dernière part dans un élan de générosité extraordinaire qui sonnait à mes yeux comme un acte d’amour : « Tiens, ma chérie, vois comme je t’aime ». Je lui tendais alors l’assiette, les yeux brillant d’un amour inconditionnel, un sourire lumineux sur les lèvres.

Des années plus tard, je compris enfin la proportion éléphantesque qu’avait prise la nourriture dans ma vie. Elle était signe d’amour, de réconfort, de plaisir, de récompense puis, plus tard de punition (entre hyperphagie et restriction).

J’ai alors compris très vite que ça n’était pas très « sain » de montrer mon amour à mes enfants de la sorte et surtout, j’ai compris à quel point j’en avais manqué pour voir dans le geste du don de cette dernière part, un signe qui n’était sûrement pas partagé par ceux autour de la table.

J’étais pleine de tristesse le jour où j’en ai pris conscience, je me suis sentie si seule tout à coup et j’ai pensé à cette petite fille qui avait toujours espéré être aimée et qui, ne recevant pas les paroles rassurantes, les cherchait dans tous les signes possibles et inimaginables.

Aujourd’hui, cette part, je la laisse volontiers, je n’en ai plus besoin, je suis même capable de la laisser repartir dans le frigo si personne ne la veut, ce qui était impensable auparavant. Car je ne la tends plus non plus à l’un de mes enfants en guise de geste d’amour, je sais leur dire à voix haute et cette dernière part a perdu tous les symboles que j’y avais placés et c’est bien mieux comme ça.

Retrouver un comportement sain et équilibré, voire rationnel, avec la nourriture en prenant conscience de notre rapport à elle, est la façon la plus douce de retrouver une régulation harmonieuse sans effort ni souffrance.

La souffrance est chez moi l’une des causes de mes dérèglements alimentaires et comprendre mes agissements parfois insensés m’aident énormément à m’apaiser et reprendre doucement ma régulation.

Mon alimentation est très liée à l’amour que je me porte ou à la haine que je suscite en moi. Je n’ai pas appris à m’aimer autrement qu’en avalant des douceurs, je n’ai pas appris le plaisir autrement qu’en mangeant et au contraire, j’ai appris très vite à me punir en me gorgeant de bouffe jusqu’au dégoût.

Aujourd’hui, j’ai le pouvoir de m’apporter ce dont j’ai besoin et ce pouvoir, je dois le prendre, me l'accorder. Et je sais que je n’ai plus besoin de la nourriture pour y parvenir.

Savoir, c’est le premier pas vers le changement.

 

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M
Bonjour,<br /> Je ne sais pas si c'est le bon endroit pour laisser ce post, en tout cas je trouve votre blog vraiment très intéressant. Je m'intéresse depuis quelques années à la méthode Zermati mais je n'ai encore jamais vraiment franchi le pas. J'aurais aimé savoir si vous conseillez de suivre le régime avec un nutritionniste/diététicien appliquant la méthode Zermati, ou vous pensez qu'il est possible d'y arriver seul? Merci d'avance.
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T
Merci pour le blog. Pour ce qui est de la méthode, peut-être peux-tu commencer seule, voir si tu y arrives ou non. Tout dépend de ton passé, de ce que tu as vécu et à quel point tes sensations sont brouillées. Tu peux aussi t'inscrire sur un forum pour avoir de l'aide et si tout cela ne suffit pas alors, oui, voir un nutri qui propose cette méthode est une bonne idée.<br /> Bises
K
Je crois que céder à l'autre ce qu'on aurait volontiers manger est toujours une preuve d'amour. moi aussi avant mes enfants je n'aurai pas laisser la dernière part, le dernier bonbon. ca montre juste qu'avant d'avoir des enfants on est juste égocentré.
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T
Oui, sûrement. Je sais, pour ma part que de voir partir cette dernière part réveillait en moi une vraie douleur, un profond sentiment d'injustice. Ces émotions étaient bien trop exacerbées. Maintenant, tout cela, heureusement, s'est apaisé.<br /> Bise
R
Je n'ai pas ce problème de moi-même, quoique est-ce pour cela que je suis goinfrée plus jeune, peut être, mais au sein de ma famille, l'anorexie et la boulimie ont fait sujet... Et finalement, c'était pour combler quelque chose... Mais qui n'a jamais été accepté, ce qui est resté. Alors, toute &quot;addiction&quot;, tout TOC, etc, révèle forcément quelque chose derrière.<br /> <br /> Aussi, quand tu dis que savoir c'est le début changement, c'est totalement vrai... C'est le début du cheminement.
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T
Le début du cheminement, oui, j'aime cette expression.<br /> Merci pour ton témoignage.<br /> Bise
E
je comprend ce que tu veux dire.<br /> J'ai d'ailleurs le &quot;tic&quot; inverse. Il m'est impossible de laisser de la nourriture dans l'assiette quand je suis invitée chez quelqu'un, et s'il reste 1 part dans le plat, et que personne n'en prend, je vais m'y coller (meme si je n'ai plus faim ou que je n'en raffole). car je me dis que la personne a cuisiné, s'est donnée du mal, et va se vexer et penser qu'elle a raté son plat si personne ne se &quot;jette&quot; dessus ...
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T
Oui, je comprends ce que tu veux dire. Je crois qu'on met, derrière la nourriture, &quot;plus&quot; qu'on ne devrait mais on est &quot;humain&quot;. Je crois que là, les mots sont importants. Dire ce que l'on ressent avec des paroles plutôt qu'avec des gestes.<br /> En tout cas, merci, ton témoignage ouvre ma réflexion personnelle à d'autres vues.<br /> Bise
R
J'avais jamais vu ça sous cet angle !
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T
Ce sont mes enfants qui m'en ont fait prendre conscience.