Rester une enfant.

Publié le par teparlerdemavie

Rester une enfant.

Je crois que le pire pour moi, ce qui m’atteint le plus, qui me blesse de façon irrationnelle et perdure dans le temps, c’est de ne pas voir mes efforts récompensés. Encore aujourd’hui, malgré mon âge, lorsque je fais des efforts, j’espère en obtenir une récompense, une reconnaissance et c’est là que le bât blesse car je ne devrais pas penser comme cela. Là, c’est évident que c’est l’enfant en moi qui attend, espère encore et toujours un regard, un mot d’encouragement, des félicitations de ses parents.

J’ai du mal à me faire à l’idée que je suis une adulte indépendante, autonome depuis plus de 25 ans, j’ai gardé en moi les blessures de l’enfance qui n’ont jamais cicatrisées. Elles sont toujours à vif pour bien des choses et elles me poursuivent encore aujourd’hui, à 44 ans.

J’en perçois le côté pathétique et surtout le blocage que cette situation induit car si je ne dépasse pas cela, je ne grandirai jamais, je resterai éternellement la petite fille en manque d’amour qui attend trop des autres et ne sait pas s’offrir, elle-même, ce qui est bon pour elle. Mais c’est tellement difficile de s’en défaire. Même si je ne comprends pas pourquoi je m’accroche ainsi.

Toujours est-il que j’en suis là, à regarder mes efforts fondre comme neige au soleil parce que je me sens aspirée par mon passé, par tous ceux qui ne veulent pas me voir changer (l’univers déteste le vide, c’est bien connu et s’il y a une place vide, elle doit être comblée et je sens les regards sur moi qui disent que je n’ai pas le droit de libérer cette place pour laisser un espace vide). Mais ce regard est-il vraiment extérieur ou n’est-il pas plutôt intérieur ? Ne suis-je pas celle qui me juge le plus durement ?

Et si, finalement, ce que je prends pour des désapprobations extérieures, n’étaient autres que des peurs intérieures qui me sommeraient de ne pas faire vague pour ne pas réveiller le courroux de ceux qui m’entourent?

Et si, mes croyances, je les entretenais moi-même pour demeurer dans le rang pour m’offrir un moment de répit car l’inconnu fait peur et ce qui est connu, même douloureux, rassure?

Je me pose vraiment la question aujourd’hui : « ne suis-je pas celle qui bloque ma progression ? » Peut-être au final, le monde extérieur est un prétexte pour ne pas regarder la vérité en face : changer est effrayant. J’aime celle que je deviens jour après jour mais il est bien plus difficile de faire preuve d’empathie que d’être considérée comme la méchante de qui on ne peut rien attendre. Ça fait mal mais c’est tellement plus facile à vivre dans le sens où si l’on n’attend rien de toi, tu ne décevras jamais l’autre.

Rester une enfant, c'est s'accorder le droit à l'erreur, c'est demander de l'attention, c'est avoir besoin de l'autre, c'est lever son regard vers l'adulte et le voir comme un géant aux pouvoirs démesurés, c'est ressentir de la sécurité à ses côtés, c'est croire en lui, mais c'est surtout dépendre de lui.

Être une adulte, c'est aller dans la direction de notre choix, c'est être responsable de sa vie et de son bien-être, c'est être celle qui décide, qui donne, qui offre, c'est baisser les yeux vers ses enfants, les aimer de façon inconditionnelle et les protéger, c'est ne dépendre de personne, avoir une morale irréprochable, montrer la voie. Être une adulte, c'est avoir le choix d'être heureux ou non.

Être une adulte, ça n'est pas simple tous les jours et parfois ça fait peur. Mais il est aussi possible de s'autoriser d'avoir peur et de rechercher le réconfort auprès de ceux qui ont des bras forts et chaleureux et ne nous déçoivent jamais. 

Car je ne dois jamais oublier cela : être adulte, ça n'est pas être seule, abandonnée dans la jungle urbaine et humaine. C'est avant tout avoir conscience de l'humanité et faire le choix de ce qui nous convient, embellit notre vie, l'éveille, la motive, arrondit la dureté de ses angles. Être adulte, c'est accepter d'être imparfait. Sans en souffrir.

Être adulte, c'est oser faire un pas dans cette grande inconnue qui est la vie, sans craindre de tomber.

 

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A
J'ai mis beaucoup de temps à me sentir "Femme", et même aujourd'hui j'ai du mal quand on m'appelle Madame. Je me sens encore toute petite à l'intérieur et ton très beau texte me parle beaucoup.
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T
C'est quelque chose que je ressens aussi et qui revient souvent me taquiner dans ma vie de tous les jours.<br /> Bise
M
être adulte c'est:<br /> je suffis. j 'ai la possibilité par moi même de...<br /> j 'ai suffisament: regarder de manière positive.<br /> il me suffit de m'ouvrir aux autres.<br /> ma vulnérabilité trouvera un écho chez l'autre.<br /> c'est en cela que nous sommes humains , empathiques.<br /> non , tu n'es pas seule .<br /> loin de là<br /> bises<br /> la vie est un échange
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T
Oh merci beaucoup pour tes mots. Ce que tu dis me touche.<br /> Bise
A
Très joli texte bien que triste...<br /> Cela dit, peut-être que la vie ne nous demande pas d'être adulte mais tout simplement d'être humain. =)<br /> Et pour rebondir sur ton paragraphe sur les choses extérieurs et intérieurs, j'ajouterais cette citation de Gandhi: &quot;le monde extérieur est le reflet de ton monde intérieur.&quot;
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T
Oui, d'être humain, c'est bien vu.<br /> J'aime beaucoup la citation de Gandhi, c'est l'effet miroir, je l'oublie souvent.<br /> Bise
O
Je me demande si je suis une adulte... je me sens parfois tellement désorientée, ou naïve, face à la vie, aux gens ! J'essaie d'être responsable de mes choix, de décider et d'assumer, mais je suis parfois en butte à une vision vraiment naïve du monde, et cela me retombe dessus.
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T
Je me le demande si souvent aussi. Je sens quand c'est l'enfant en moi qui prend le pouvoir et je sens aussi quand l'adulte reprend le dessus. Mais je ne sais pas encore faire bon usage de chaque part (lol), elles interviennent souvent à contre-courant.<br /> Merci pour tes mots.<br /> Bise
M
Magnifique, je te rejoins totalement. Je crois que quand on entreprend ce grand voyage vers la connaissance de soi, on passe par plusieurs étapes, on hésite, on avance, on s'accroche, on recule. Tout ne peut pas se faire de suite. <br /> C'est parfois difficile de quitter ce qu'on connait depuis toujours. Briser nos habitudes et faire fi de l'enfance, c'est courageux et douloureux. <br /> C'est un beau pari mais ça demande des remises en question et des réalisations. Guérit on de son enfance, je ne le sais pas. <br /> Merci pour la partage de ces réflexions.
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T
Merci pour tes mots si justes. Je crois que la patience (accepter qu'il faille du temps pour aller vers ce qui est bon pour soi) et l'empathie (s'en donner au quotidien) sont ce qui permet de faire un pas vers soi et s'accomplir en tant qu'individu propre (et non enfant de...).<br /> en tout cas, j'espère ne plus m'éloigner de mon chemin ou du moins, de ne pas trop me perdre en route.<br /> Bise
L
C'est dur de pouvoir se construire quand on n'a pas reçu de félicitations de la part de ses parents. On est toujours en quête de leur approbation et leurs mots, leur regard ont un poids énorme ! Bon courage ! Bises
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T
Oui et cette quête nous détruit, nous abîme. Mais je ne veux plus m'arrêter à ça, je veux avancer!<br /> Merci pour tes mots.<br /> Bise
B
Décidément, je me retrouve vraiment dans tes articles ! J'ai moi-même ce besoin de rechercher de l'approbation chez les autres, surtout chez mes parents. J'ai toujours eu l'impression de ne pas faire assez bien, que, quoique je fasse, ce ne serait jamais ce qu'ils attendent.<br /> J'espère un jour arriver à prendre les mêmes distances que toi par rapport à tout ça et pouvoir avoir la même vision des choses ! <br /> Bonne journée :-)
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T
Merci pour ton témoignage, il fait écho en moi.<br /> ça n'est pas facile de se sortir de tout ça, de s'élever alors qu'on se sent tirer vers le bas mais arrive toujours le jour où on sait qu'il est temps de s'en affranchir parce qu'on comprend que sans cela, on ne se sentira jamais libre.<br /> Je te souhaite une bonne continuation.<br /> Bise
J
Quitter mon enfance/adolescence et pouvoir partir de chez moi sont les meilleurs choses qui me soient arrivé. J'ai commencé à vivre à ce moment là.
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T
J'ai commencé à travailler très jeune (17 ans) car mes parents étaient dans des galères inimaginables. Mon départ a été poussé par mon père, ça n'était pas un choix libre et sensé mais ma seule porte de sortie. J'imagine même pas faire vivre un truc pareil à mes enfants, c'est fou, ça me semble à la fois si loin et pourtant si proche.<br /> En te lisant, je me demande si j'ai commencé à vivre à ce moment-là, ou si je n'ai pas plutôt commencé à mourir à petit feu. J'étais tellement dans une attente irraisonnée de leur part.<br /> Merci beaucoup pour ton témoignage, il me fait réfléchir.<br /> Bise
S
Perturbant de lire cet article, à croire que nous avons eu la même enfance ou tout au moins nous en avons les mêmes ressentis aujourd'hui mais surtout des cicatrices...
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T
Certaines cicatrices sont très longues à guérir. J'espère que le temps fera son oeuvre (je me sens sur la bonne voie même si ça réveille pas mal de douleur).<br /> Merci pour tes mots. Les similitudes de certaines vies me surprennent toujours et pourtant, c'est quelque chose que l'on rencontre souvent.<br /> Bise