L'hyperphagie n'est pas une fatalité.
Comme je l'ai écrit ici, j'ai longtemps mangé en cachette. Par honte, par culpabilité, jusqu'au jour où j'ai réalisé que se cacher des autres pour manger était pire que tout.
Le jour où j'ai mis un mot sur ce dont je souffrais, j'ai accepté de ne plus me considérer comme un monstre mais comme une personne fragile qui avait avant tout besoin de soutien.
J'ai cherché des solutions pour m'en sortir. J'ai lu de nombreux livres qui traitaient le sujet (dont "Osez avoir faim" de Geneen Roth) et je me suis observée pour comprendre comment j'avais pu en arriver là.
La 1ère solution a été de me déculpabiliser.
Non, je n'étais pas coupable de mes crises. Et je n'étais ni nulle, ni sans volonté.
La 2e solution a été de chercher comment me défaire de ses crises.
Geneen Roth est une femme qui a longtemps eu des problèmes de poids et qui, un jour, a décidé de s'en sortir en refusant tout régime. Dans son livre elle donne des conseils très intéressants sur la gestion des crises.
Par exemple, elle explique qu'il faut cesser de se cacher pour manger et oser affronter ses compulsions devant témoin. Ça les rend existantes, on ne peut plus les nier.
Il est nécessaire aussi de mettre « en scène » ses crises. On sait qu'on va craquer, le besoin de manger est irrépressible, on ne peut pas aller contre cette pulsion. Alors, au lieu de vider le frigo, debout dans la cuisine, on choisit de s'installer à table, de sortir ses couverts, une belle assiette et de disposer sur la table tout ce qu'on veut engouffrer.
Et on accepte de ne pas pouvoir faire autrement. Le fait d'accepter cette faiblesse nous permet de ne pas nous fustiger. La crise est là, on ne peut pas l'éviter. Et on mange, en pleine conscience.
On s'oblige à relever la tête de son assiette à intervalle régulier et on s'interpelle à haute voix : « je n'ai pas faim mais j'ai besoin de manger, je ne peux pas m'en empêcher ». On peut aussi énumérer les raisons qui ont déclenché notre crise. Et on garde le mental présent, dans l'instant, on ne le laisse pas s'échapper, on ne se met pas en mode « pilotage automatique », on garde la conscience bien ancrée dans le présent.
On explique pourquoi on en est arrivée là. Par exemple, si l'on s'est disputée avec un ami et qu'on ne supporte pas s'être fâchée, on l'exprime : « Je suis fâchée contre lui mais est-ce que d'avaler cette glace va changer la situation ? » Et là, on cherche qu'elle pourrait être la solution : « je sais que de manger ne résoudra rien par contre, lui téléphoner, m'expliquer ou m'excuser pourrait débloquer cette situation qui m'est intolérable ».
Et on ne perd jamais de vue que c'est une épreuve pour nous et non une faiblesse alors on se console après chaque crise, on s'offre du réconfort et beaucoup d'amour au lieu de se fustiger et de s'insulter.
Pour résumer :
-Je ne me cache plus pour manger.
-Je m'installe à table
-Je mange en pleine conscience
-Je garde mon esprit présent (je ne le laisse pas s'échapper loin de ce que je suis en train de faire)
-Je m'interroge sur les raisons de ce besoin de manger
-je ne culpabilise pas.
-Je garde un regard aimant sur moi.
-Je m'aime
Et c'est ainsi que petit à petit on parvient à faire cesser les compulsions : en comprenant les raisons qui nous poussent à engloutir des tonnes de bouffe et en cherchant des solutions autres que la nourriture.
Et si dans un 1er temps, ça ne fonctionne pas (il faut savoir être patient), on se répète : « je mange parce que je ne peux pas faire autrement pour le moment ». Et on déculpabilise ! On ne se fait aucun reproche, on ne se dévalorise pas !
Oui, au début, on continue à compulser mais petit à petit les crises vont s'espacer pour ne devenir qu'épisodiques. Et même la quantité va changer. Je me rends compte que lorsque je compulse, la quantité de nourriture que j'ingurgite n'a plus rien à voir avec celle du début.
Maintenant je compulse une fois de temps en temps. Quand je sens venir ce besoin incontrôlable de manger, je le fais mais je m'interroge tout au long de la crise et ces interrogations parviennent à stopper net ma compulsion. Après, je reprends le cours normal de ma vie avec même une force supplémentaire car chaque crise représente un événement ingérable que j'apprends à comprendre pour me surpasser.
On n'est pas des merdes parce qu'on a des difficultés à gérer ses émotions, ses difficultés ! On est seulement des êtres humains.
Et comme tout être humain, on a des faiblesses mais notre force, notre courage, c'est de l'admettre, de les regarder en face et de faire l'effort de s'en sortir.
Oui, notre force, c'est d'avoir ce désir de s'en sortir.